jeudi 4 septembre 2014

Le Dernier Pirate des Caraïbes





Et ouais, pas de daddy dans le titre aujourd'hui, et d'ailleurs, pas de mômes non plus, ni leurs films de Disney, voire pas de monde de Disney du tout. On retourne en Jamaïque pour discuter de reggae et en écouter.

Derrière l'écran de fumée qui perturbe nos perceptions sur le Reggae, il y a des déplacements massifs de populations africaines, des massacres et colonisations de peuples caribéens, des histoires d'esclavages et de terres commercées entre pays d'Europe. Tout ça pour permettre l'essor de ce vieux continent ainsi que celui américain, ce qui nous a permis, à nous européens, d'avoir une certaine éducation et culture de masse, et ainsi prendre de haut, tous ces évènements en les attribuant au passé, à l'histoire.

Même si cet occident a connu ses traumatismes, il s'est quand même permis d'avoir une génération de contre-culture dans laquelle les afro-américains ont trouvé la place d'affirmer leur black culture. Et s'il y en a un qui n'avait pas ses oreilles dans ses poches à cette époque, c'est bien Peter Tosh. 

Déjà sur le plan musical, si le R&B américain a eu une énorme influence sur la musique jamaïcaine et notamment sur le ska, il est clair que Peter Tosh est resté connecté sur ces deux lettres quand les premiers balbutiements du reggae se frottaient au tempo de la Soul. Par contre s'il a bien reçu un message de James Brown, c'est bien "Say It Loud, I'm Black & Proud" et "Talkin Loud & Sayin nothing".




Say it Loud, I'm Black & Proud

Après Rosa Parks, Martin Luther King et Malcom X, toute la communauté afro américaine revendique sa place dans la société américaine avec des droits égaux aux blancs. Il existait même une certaine pression sur les artistes majeurs "noirs" pour qu'ils participent à ce courant. D'une part, exercées par des courants radicaux comme les Black Panthers qui exigeaient une implication de chacun et d'autre part exercée par les maisons de disques qui n'ont pas oublié de repérer le bon filon commercial.

Bien sûr, si les jamaïcains entendaient le R&B et la Soul à la radio et utilisaient cette influence dans leur musique, ils ont aussi saisi les paroles et intégré le message. En même temps émerge le rastafari, un courant porté par une communauté qui s'inspire d'une "prophétie " amalgamée à un discours de Marcus Garvey et qui écoute du nyabinghi, un style de musique traditionnelle à base de percussion et de poèmes à thématiques sociales parlées, courant musical mené par Count Ossie.

C'est de la fusion de tous ces éléments que jaillira le reggae et sa spiritualité rasta dans sa forme la plus populaire. Bien entendu, on ne peut pas aborder ce sujet sans éviter "Bob Marley et ses Wailers". Rien que dans cette appellation, le ver est déjà dans la pomme car seule l'expression"les Wailers" a de la valeur.

Si Bob a quelque chose de spécial, le talent n'est surtout pas absent des autres Wailers. Je ne connais pas suffisamment Bunny Livingstone pour affirmer des choses par écrit, par contre ses chants en contrepoint à la voix de Marley manqueront pour toujours après son départ. Mais tout ce charme en chanson ne serait rien, tout cet engouement planétaire pour le rastafari n’existerait pas sans la puissance de Peter Tosh. Car c'est lui l'âme des Wailers, c'est lui la culture musicale, et bien sûr lui le révolutionnaire qui crachera le premier dans nos gueules de petits blancs toutes nos vérités tellement bien alambiquées dans les poésies de Bob. Si la Jamaïque est un bateau pirate, le reggae l'équipage, les Wailers le canon, Peter est la mèche qui appellera "Catch a Fire" et "Burnin".



 Après l'essence à Zippo de Jimi (voir post précédent), voici le briquet

Talkin Loud & Sayin Nothing

A partir de là, c'est l'explosion. Tous les ghettos de Kingston se ruent dans les studios de musique, l'exode rurale fait sortir les derniers mecs qui ont une guitare des campagnes et chacun a sa diatribe à sortir. On entre dans les 70's et l'Ethiopie n'a jamais été si peu "loin du cœur et loin des yeux" de la Jamaïque. Pas un n'oublie de promouvoir le retour aux racines mais on sait plus si on parle des racines ancestrales ou des racines de pieds de Ganja, et tout le monde crève la dalle, 10 ans avant la grande famine éthiopienne. Bref, à peine 15 ans après l'indépendance de la Jamaïque, le pays est au bord de la guerre civile et les deux partis politiques en opposition  ont l'idée d'organiser un grand concert de reggae pour apaiser l'ambiance, avec en vedette Bob Marley qui doit quitter pour l'occasion son train train Paris, Londres, New York et Peter Tosh qu'il faut sortir du beau milieu d'un champs de ganja aux herbes plus hautes que lui.

Jusqu'ici, bon nombre de rasta s'époumone à sortir sa version du rastafari mais le poisson est déjà noyé et personne n'entend rien à part que la weed c'est génial (et c'est vrai).



Live @ the One Love Peace Concert - Bootleg 1978

  1. Igziabeher (Let Jah Be Praised)
  2. 400 Years     
  3. Stepping Razor
  4. Speech 
  5. Burial/Speech   
  6. Equal Rights
  7. Speech   
  8. Legalize It/Get up Stand Up

Avant que Bob monte sur scène, qu'il commence ses oye yo yo et ses hey ye ye, qu'il fasse sa petite médiation entre les deux leaders politiques, entre en scène Peter Tosh. Le moins qu'on puisse dire est qu'il a sapé toute cette mascarade en déclarant tout ce qu'il a sur la patate. En clair, fuck la société occidentale, son petit metro, boulot, dodo, pinard, télé, J.T.. Nous les noirs on est des esclaves mais on le sait mais les petits occidentaux en sont aussi mais ils ne le savent pas. Que les dirigeants de la Jamaïque sont des esclaves des dirigeants des grandes nations et que tout ce monde forme un sacré paquet de connards de tout horizons à décider que lui, Peter Tosh, n'a pas le droit de se fumer un bon gros spliff. C'est vrai quoi,  des gens ont déportés ses ancêtres dans le trou du cul du monde pour trimer pour que madame et monsieur le duc puisse mettre un peu de sucre dans leur thé mal infusé, en quatre cents ans, ces gros nazes leurs ont retiré tous leurs droits jusqu'à celui de faire de la musique et maintenant qu'il est là, à coté de ces champs d'herbes aux multiples vertus, on vient lui dire de ne pas y toucher, c'est un peu fort de café, isn't it? Alors tout ça il peut très bien l'exprimer en musique et il le fait mieux qu'il ne l'a jamais fait et qu'il ne le fera jamais mais notre ami est assez pointilleux sur ces sujets et c'est ainsi qu'il ne va pas se gêner de stopper la moitié de ses chansons, à faire de jolis speechs, pour s'assurer que chacun à bien compris que la paix, on ne la trouvera qu'au cimetière et qu'il y a plein d'autres choses à obtenir pour un monde plus juste.


Toutes ces idées ne sont pas sorties par hasard. Cela faisait un petit bout de temps qu'il y cogitait. Allons donc voir ses premiers enregistrements, pour avoir un aperçu de son discours 10-15 ans plus tôt.





Arise Black Man - Compilation 1967/71 

  1. Brand New Second Hand 
  2. Maga Dog
  3. Skanky Dog 
  4. Boney Dog
  5. Maingy Dog
  6. Fat Dog 
  7. The Crimson Pirate 
  8. Rightful Ruler 
  9. Moon Dust 
  10. 400 Years
  11. Ambitious Beggar 
  12. Memphis 
  13. Rudie's Medley 
  14. The Return of Alcapone 
  15. Them a Fe Get a Beaten R
  16. Reuben
  17. Stop the Train 
  18. Sun Valley 
  19. Nobody's Business
  20. Selassie Serenade 
  21. Downpresser 
  22. Pepper Sead
  23. Arise Black Man 
  24. Romper Room 
  25. Brand New Second Hand (Tosh) 3:58
     
Superbe compilation qui retrace en partie les années Studio One pendant des périodes où les Wailers étaient séparés quand Bob était aux States ou Bunny en prison. La suite de titre en "Dog" montre très bien comment le ska s'est transformé en reggae. Rien que pour ça vous ne pouvez pas passer votre chemin.




The Toughest 1965/71


  1. Hoot Nanny Hoot
  2. Maga Dog
  3. Amen
  4. Jumbie Jamboree
  5. Shame & Scandal
  6. Sinner Man
  7. Rasta Shook Them Up
  8. The Toughest
  9. Don't Look Back
  10. When the Well Runs Dry
  11. Making Love
  12. Can't You See
  13. Treat Me Good
  14. Rightful Ruler
  15. 400 Years
  16. No Sympathy
  17. Secondhand (A.K.A. Brand New Secondhand) [Version 1]
  18. Secondhand (A.K.A. Brand New Secondhand) [Version 2]
  19. Downpresser.mp3
  20. Fire Fire (Bonus gigolo) 


Encore une petite compile de derrière les fagots même si vous connaissez déjà pas mal de titres. Plus ça va et plus on creuse et plus les racines de Peter Tosh se révèlent. Des classiques R&B américains et jamaïcains et bien sûr quelque ska. A repérer, Sinner Man qui deviendra Downpresser pour enfin devenir Downpressor Man sur Equal Right (Une de ses meilleures chansons). Par contre, le son est le point faible. Si j'ai réussi à sauver la plupart des titres, certains me semblent introuvables en meilleure qualité que du 128 kbps. Ce qui ne retirera rien au charme de ces trésors qui gagneront même à être écoutées sur des enceintes pourraves.
Finissons avec un autre trio, avec un petit bœuf amusant entre Peter, Bob et Rita (Marley) qui n'est pas sur la compile mais qui rentre dans le fichier .rar, alors je l'ai mis.

Now you see the light, you got to stand up for your right




7 commentaires:

  1. Tu as tout dis, ne me reste qu'à saluer ce nouveau post magnifique.

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  2. Ho mais c'est que je vais lentement m'y mettre au Reggae, hors Marley. Ceci dit j'aime défendre Marley et son talent mélodiste, un intouchable de ce point de vue. Un Beatles à lui tout seul...
    Peter Tosh, chez les Papillons Noirs, j'avais récupéré un disque soutenu par Jagger.
    Puisqu'on en est dans les Wailers, je peux te dropper "The Complete Wailers 1967-1972" où l'on peut aussi entendre quelques grandes chansons de M. Tosh, Comme ce "Love"
    Dis donc ton article est parfois plein de la fureur de Tosh ... ça chauffe, je vais finir par arrêter de penser le Reggae comme une musique "molle"

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  3. Je reviens ajouter que le live est bien comme tu l'as dit. chaud, chaud... Je m'étais plongé dans les Jimmy Cliff, Burning Spear ou Alpha Blondy pour sortir de l'ombre de Marley. Mais là c'est lave en fusion, je n'en reviens pas. Des guitares qui fusent.La version de "Stepping Razor" est sublime.

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  4. J'ajoute encore: C'est, le live, c'est GRAND comme du FELA, envoûtant.... (Hé, Les Gars! Liz est là :-)) )

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  5. Yo les amis, content de voir qu'il y a du monde pour faire tourner.

    Devant: J'aime beaucoup Marley mais j'ai une répulsion pour l'appellation Bob & The Wailers qui n'est qu'une appellation commerciale qui cherche à désolidariser un groupe (voir mes posts Temptations), d'ailleurs, aucun des trois larrons n'atteindra autant le divin que lors de cette période.
    OK pour le drop même si j'en ai déjà les trois quarts, je raffole de ce qui peut me manquer dans cette période. Mais préviens moi, j'ai bloqué le dl automatique car internet est limité chez moi. Je viens d'y faire un tour et il y a du monde

    Jimi: Comme d'hab, toujours là. Alors ces Barbarians?

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  6. Le documentaire Stepping Razor, the Peter Tosh Story est fantastique, toute l'histoire raconté par Peter Tosh en voix off et des archives de folie.
    Hugo Spanky

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    1. Merci, du coup, je viens de le télécharger. Je cherche encore les sous titres en français, sinon, ce sera English listening & reading

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